La poésie tendue comme un pont entre la géographie et l'histoire; De la noblesse et de l'élégance.
"Dès l'aube, il se réveillait d'un court sommeil et la bête de tristesse se levait à ses cotés". (Un jardin sur l'Oronte)
Le sens de la formule et cette capacité de créer des images mentales.
Le Culte du moi est une trilogie que Maurice Barrès a écrite entre 1888 et 1891. Il avait 29 ans lorsqu'il en termine le dernier livre. Initialement, il l'avait intitulée : "La Culture du moi".
Cet ouvrage de jeunesse constitue un laboratoire de style dans lequel Barrès expérimente différentes approches et s'amuse à créer plusieurs rameaux stylistiques en puisant dans ses éléments de langage habituels : Nerfs, délicat, ardeur, inquiétude, fièvre, sensibilité, dégoût, vif, profond, âme, fermeté, sublime.
Lors de la parution de la nouvelle édition en 1911, il accompagne son travail d'une lettre à Paul Bourget, (écrivain qui lui a manifesté de l’intérêt et qui l'a soutenu) dans laquelle il apporte quelques clefs d'analyse à son texte et il conclut ainsi :
"Au terme de cet examen, où j'ai resserré l'idée qui anime ces petits traités, mais d'une main si dure qu'ils m'en paraissent maintenant tout froissés, je crains que le ton démonstratif de ce commentaire ne donne le change sur nos préoccupations d'art. En vérité, si notre œuvre n'avait que l’intérêt précis que nous expliquons ici et n'y joignait pas des qualités moins saisissables, ou plus nuageuses et qui ouvrent le rêve, je me tiendrais pour malheureux."
Sous l’œil des barbares
Ce premier livre très marqué par le courant symboliste est assez hermétique dans sa première partie. (Influence de Mallarmé ?) Le texte est parfois obscur, mais pas dénué de beauté :"De ses doigts blancs, sur la tige verte d'un nénuphar, la jeune fille saisit une libellule dont l'émail vibre, et, jetant vers le soleil l'insecte qui miroite et se brise de caprice en caprice, ingénument elle souriait."
Le livre évoque ensuite les années de jeunesse du héros, ce qui donne la matière pour présenter une théorie qui tourne vaguement autour de la préservation de son identité, et qui sera développée plus complètement dans le second livre "Un homme libre".
Dans son exégèse de préface, Barres explique, pour simplifier, que le mot "Barbares" désigne le non-moi. Il s'agit d'un terme gigogne car durant sa période militante, il le réutilisera en l'associant cette fois-ci aux "Allemands"
Un homme libre
Il s'agit du second livre qui constitue la partie principale du triptyque, celui dans lequel le concept du culte du moi est complètement développé, ainsi et surtout, que les fondations de ses idées politiques. A travers l'évocation de figures historiques, et celle d'un régionalisme viscéral, Barrès y aborde le thème de la terre et les morts qu'il développera dans un célèbre discours en 1899.Un homme libre se présente comme le parcours d'un dilettante qui tente de mettre au point une hygiène de vie dont le principe consiste à rechercher des états d'exaltation puis à appliquer sur soi-même une analyse poussée de ses sentiments.
On assiste à un périple initiatique qui le mène de Jersey, à St Germain en Lorraine en compagnie d'un compagnon avec lequel il a des affinités intellectuelles, puis seul à Venise, Cannes et Aigues-Mortes. Le ton est typique du style Barrésien, mais contient aussi des moments d'autodérision que d'aucuns qualifient d'ironie. Les deux compagnons convoquent, par exemple, un médecin afin de savoir si leurs organes sont correctement en place (!),une sorte de contrôle technique afin d'être certains qu'ils pourront échafauder des réflexions solides à partir de leur enveloppe charnelle. Le médecin conclut:
"Vous êtes délicats, mais sains !"
C'est fantasque voire fantaisiste, un peu à la manière du roman "A rebours" de Huysmans mais aussi en correspondance avec le roman de Flaubert, Bouvard et Pecuchet.
Les femmes sont évoquées certes, mais par pure convention un peu comme un objet social inévitable/incontournable; Comme un animal instinctif opposé à l'homme, seul être capable de raisonnement. Cette perception est encore plus nette dans Le Jardin de Bérénice.
Le Jardin de Bérénice
Ce troisième volet se présente un peu comme une nouvelle à la Maupassant, évoquant une relation bizarre entretenue par le héros du roman avec Bérénice, une fille au destin écorché. Le tout alterne avec des considérations sociales et politiques à travers des dialogues formels.Une campagne électorale sert de maigre prétexte, mais les vrais centres de gravité du récit sont la ville d'Aigues-Mortes, qui offre des paysages lentement changeant propres à la contemplation et Bérénice bien sur, vis-à-vis de laquelle Barrès étale sa compassion sans fin et tombe finalement amoureux de ... lui-même.
Seul un animal pouvait se permettre de rester indifférent au style de Barrès :
"Je restai un long temps à serrer la tête de l’âne dans mes bras, à plonger mes yeux dans ses yeux. Mais comme il appartient à une race longuement battue et que d'autre part cette heure religieuse du levant n'était pour lui que l'instant de sa pâture, il faisait des efforts pour se dégager et brouter. Ah ! me disais-je, comment gagner les âmes." (Le Jardin de Bérénice)
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